Des acteurs de l'EMI s’interrogent sur l’avenir du journalisme
Ils étaient près de 90, professeurs documentalistes, journalistes, membres du CLEMI[1]ou encore élus, de Lyon et sa région, à assister aux Assises de l’EMI. Cet événement, organisé pour la troisième année consécutive par le Club de la presse de Lyon s’est déroulé à l’hôtel de ville, le 4 juillet dernier.
Une période charnière. C’est ce que vit en ce moment l’Éducation aux médias et à l’information. Plusieurs événements ont agité ces dernières années le monde de l’information : la Covid, la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, les élections européennes et plus récemment les législatives anticipées en France. « De nombreuses personnes se sont désintéressées de l’EMI. Elles en ont assez d’entendre comment elles doivent se comporter face à l’information ». Ce constat est dressé par Anne-Cécile Hyvernat. la responsable du département Société de la bibliothèque municipale de Lyon. Elle est intervenue à la première table ronde des Assises. Cette dernière posait la question suivante : « Comment l’EMI forme les citoyen·nes de demain ?». Lila Ait-Hatrit, coordinatrice culturelle des écoles Anatole France et Jules Ferry de Villeurbanne le constate depuis son arrivée, il y a quelques années à ce poste : « On fait sans la nommer de l’EMI ». Autre constat, la question de la suspicion arrive assez tôt chez les enfants, « dès le CM1 ». Au sujet de la citoyenneté, Alexandre Ballaré, professeur documentaliste, formateur au numérique et à l’EMI à l’Inspé Lyon 1[2], a rappelé « l’importance fondamentale de communiquer dans une société ». Et de prôner un travail collaboratif pour évaluer les sources et ne pas s’en tenir à son seul point de vue.
Créer des espaces d’échanges pour débattre
Une question est posée : « Y a t-il des tabous dans l’EMI ? ». Violaine Laprononcière, professeure chargée de mission dans l’équipe Valeurs de la République de l’Académie de Lyon, prend la parole : « Tout est traité à l’école. Les enfants, les adolescents, nous emmènent là où ne nous voulons pas aller. L’EMI, c’est ne rien s’interdire » , et d’ajouter : « on peut parler de tout mais pas n’importe comment ». Une autre intervention dans le public, la personne pense qu’il faut revenir aux bases de l’instruction civique. « Ils sont calés sur la liberté de la presse, mais ils n’ont pas encore la capacité à mettre en action leurs compétences », explique Violaine Laprononcière. Et elle précise : « ce n’est pas qu’ils ne savent pas, mais ils ne veulent pas faire cet effort ». L’Éducation aux médias et à l’information sème des graines. Et les enseignants voient la fleur fleurir mais pas tout de suite. « On manque d’espaces d’échanges », regrette Alexandre Ballaré. « Il faut accueillir la parole des gens pour donner son opinion, la partager et pas seulement en ligne ». A la question sur la différence entre les influenceurs et les journalistes, Bertrand Enjalbal-Olivera, directeur adjoint de l’association Entre les lignes, rappelle qu’il faut revenir aux fondamentaux du journalisme, répondre aux 5 W (Qui ? Quoi ? Où ? Quand et Pourquoi?). Tout le monde s’accorde à dire qu’il faut présenter autrement l’EMI au public, oublier la vision moraliste et s’attacher à donner des clés sur les flux d’information.
« Si l’outil est gratuit, nous sommes le produit »
Place maintenant à la seconde table ronde : « IA, fake news... l’EMI au secours du journalisme ?». Quatre intervenants se tiennent face au public. Cédric Laurençon, directeur pédagogique du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Lyon, Laurent Mazurier, conseiller de programmes et rédacteur en chef de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, Emmanuel Grange, professeur et coordinateur d’une action de recherche liant IA et EMI, et Nathalie Dupuy, directrice artistique et fondatrice de IALS Magazine. Cette dernière a créé ce magazine pour comprendre et s’interroger sur les enjeux et défis de l’IA pour des professions avec lesquelles elle travaille : photographes, journalistes ou encore illustrateurs. Utiliser l’IA, c’est soulever aussi de nombreuses questions, sur la protection des données, la propriété intellectuelle, les droits d’auteurs, bien choisir son prompt[3] ou simplement : « faut-il dire bonjour ou tutoyer l’IA ? ». Cédric Laurençon l’affirme : « l’IA ne va pas remplacer les journalistes ». Il explique que les versions payantes de ces technologies coûtent chers. « Ces outils sont une révolution, mais pas autant que l’on pourrait le croire ». Nathalie Dupuy, y voit une opportunité de création pour nos zones de compétences. Autre point, la question du modèle économique de l’IA : « si l’outil est gratuit, nous sommes le produit ». Le développement de l’IA générative[4] pousse aussi à s’interroger : c’est quoi une information ? Iris Iriu, référente académique Éducation aux médias et à l’information au rectorat de Lyon, présente dans le public, est la dernière à intervenir : « Il faut défendre les valeurs de la République, se forger son opinion, ce sont les piliers du développement de notre démocratie ».
Audrey Radondy
[1]CLEMI, Centre pour l’éducation aux médias et à l’information. En charge de l’Éducation aux médias et à l’information (EMI) dans l’ensemble du système éducatif français.
[2] Institut National Supérieur du Professorat et de l'Éducation (INSPE)
[3]Un prompt est une instruction, rédigée en langage naturel par un humain dans une interface homme machine (IHM), transmise à une IA générative pour interagir avec elle, afin d’obtenir une réponse. (DANE, Direction Académique du Numérique Éducatif) de Versailles.
[4]L’intelligence artificielle générative est une IA capable, à partir de grands volumes de données (textes, sons, images...), de dégager des modèles et d'en générer de nouveaux, ou d'améliorer les modèles existants. (Le Robert).
Photo : Marine Gonard
16 mai : Assemblée générale du Club
Article complété le 5 mai 2022 avec une convocation pour une courte AG extraordinaire le même...
Le Club élit 5 nouveaux administrateurs sur 11
LYON, le 12 octobre 2021 - BREAKING NEWS : voici les 5 nouveaux administrateurs du Club de la...
Le Club élit un Bureau directeur entièrement renouvelé
(article mis à jour le 30 novembre 2021) LYON, le 21 octobre 2021 - Fumée blanche au 5 rue...
Historique : un Prix Pulitzer au Club !
JOURNALISME / PRIX PULITZER / UN EVENEMENT EXCEPTIONNEL SE PREPARE AU CLUB DE LA PRESSE DE...
Historique : premier RDV Club x écoles de Journalisme
Un moment historique. Ce matin (jeudi 15 juillet 2021), le Club de la presse de Lyon a reçu,...
14 décembre : 45e anniversaire du Club
Voici le lien d'inscription ! Véritable petite institution au coeur de la Capitale des Gaules,...